mardi 29 mars 2011

Comme un ras le bol social

Burkina Faso : comme un ras le bol social qui résonne dans toute l’Afrique : Blaise Compaoré, dégage !14 mars par Zinaba Aboudou Rasmane, Pauline Imbach

http://www.cadtm.org/Burkina-Faso-comme-un-ras-le-bol

Un fait divers à l’allure d’une mauvaise série B met le feu aux poudres...
Pour comprendre ce qui s’est passé à Koudougou, un bref retour en arrière sur la situation s’impose.

Tout a commencé par une bagarre entre deux jeunes élèves, une fille et un garçon, d’un lycée de Koudougou (3ème ville du pays à 150 km de Ouagadougou la capitale). Après une paire de gifles qu’elle a reçue du jeune homme, la fille, petite amie d’un policier, s’en est allée porter plainte. Jusqu’ici tout va bien. Mais voilà que le jeune homme, Justin Zongo, ne répond pas à la plainte, ce qui énerve notre policier, ami de la victime. Celui-ci décide alors de venir chercher le jeune homme en pleine classe pour l’amener de force au commissariat, outrepassant le fait que les forces « du désordre » ont l’interdiction d’agir dans les établissement scolaires sans autorisation préalable. Une fois au commissariat, le jeune étudiant est passé à tabac dans les règles de l’art avant d’être relâché. Le jeune homme cherche alors du soutien en avertissant le procureur de Koudougou de la situation, qui convoque et sermonne le policier. Ce dernier retourne alors chercher Justin Zongo qui, trainé au commissariat est de nouveau passé à tabac. L’étudiant ne se remettra pas des coups reçus et il décèdera des suites de ses blessures, après avoir été hospitalisé.
Ses camarades de classe, qui avaient suivi de près cette affaire, organisent une marche jusqu’au gouvernorat de Koudougou. Là, le gouverneur déclare que le décès est dû à une méningite et un acte de décès est rédigé précipitamment pour confirmer cette thèse officielle. Cela n’est pas sans rappeler l’acte de décès de Thomas Sankara, sur lequel était mentionné “mort de mort naturelle”...

Injustices et répressions...

Le 24 févier, face à cette injustice criante, les étudiants se sont révoltés mettant le feu au gouvernorat, au commissariat et à une douzaine de véhicules. Les CRS de Koudougou (qui disposent d’un camp depuis peu dans cette ville « pour redresser la population » connue, depuis l’affaire Norbert Zongo, comme « rebelle » du Burkina Faso) viennent prêter main forte aux policiers. Ils ouvrent le feu et tuent le fils d’un commerçant. Immédiatement c’est toute une ville qui se lève et s’oppose aux forces du désordre. Puis rapidement le mouvement gagne les villes voisines de Poa, Kindi, Léo, Réo et tous les environs avant d’atteindre une semaine plus tard (le 7 mars) les villes de Bobo Dioulasso et Ouahigouya au nord du pays. Élèves et étudiants brûlent les commissariats en signe de protestation contre cette bavure policière. Bilan officiel : 6 morts, de nombreux commissariats brûlés et des policiers chassés de certaines villes.

...augmentation des tensions !

Pour apaiser les tensions, surtout en plein FESPACO (Festival Panafricain du Cinéma de Ouagadougou), les autorités ne lésinent pas sur les moyens. Outre la répression, elles décident de fermer les lycées, les collèges et les universités, craignant que le mouvement prenne une allure révolutionnaire à l’odeur de jasmin.
Elles mettent également en place un comité de sages à Koudougou et utilisent les chefs traditionnels, aujourd’hui véritables sbires du régime, pour rencontrer les associations d’élèves et les calmer.

Seulement voilà, les jeunes semblent déterminés. Alors que la reprise des cours devait se faire le 7 mars, à Koudougou un grand sit-in a été organisé à l’occasion duquel une grève de 72 heures à été votée pour que justice soit rendue aux camarades assassinés pendant les révoltes. À Ouagadougou, à l’appel des partis d’opposition, une marche, suivie d’un meeting sur la place de la révolution, a également été organisée. La journée du 7 mars a donc été plus que mouvementée partout dans le pays. Une dizaine de localités ont connu des manifestations et des commissariats ont été incendiés, des édifices publics vandalisés, des barricades érigées, des grèves et marches organisées.

De plus, le 11 mars, à l’appel de l’Association Nationale des Etudiants du Burkina (ANEB), une marche contre l’impunité et pour le jugement de tous les acteurs de ce crime crapuleux a été organisée. Partis de l’Université de Ouagadougou, 7000 étudiants se sont mis en route vers le siège de la Direction Générale de la Police Nationale. Rapidement bloqués par la police sur l’avenue Charles de Gaule qui mène au centre ville, les étudiants se sont organisés en front et se sont dirigés vers les commissariats de quartiers pour les incendier. Durant la marche, de nombreux étudiants ont été blessés par des jets de pierres et de lacrymogènes. Une vingtaine de personnes auraient été arrêtées. Durant cette marche de nombreux slogans visaient directement Blaise Compaoré et sa clique. Le mouvement semble donc s’élargir autour de revendications dépassant le meurtre du jeune Justin Zongo.












Depuis le début du mouvement, et en plein FESPACO, les enfants de Facebook, ont bien tenté d’élargir les revendications avec notamment la création d’un profil « Blaise Compaoré dégage |1| » ou en appelant à deux reprises à des mobilisations autour du rond-point des cinéastes, lieu symbolique en plein festival cinématographique. Mais peu de gens ont répondu présents. Le FESPACO semblait pourtant être un moment idéal pour faire entendre la grogne sociale...

Aujourd’hui, la jeunesse burkinabée est toujours dans la rue, mais il semble difficile de dire ce qui se passera dans les jours à venir si le reste de la population ne se mobilise pas à ses côtés. Alors que la grève de 72 heures de Koudougou touche à sa fin, une grève de 72 heures vient d’être décidée à Ouagadougou.
« Les forces critiques » composées d’associations et de partis politiques d’opposition, qui avaient joué un rôle important dans le mouvement de contestation qui avait suivi l’assassinat du journaliste Norbert Zongo, ne constituent plus un moteur de résistance depuis ces dernières années. Aujourd’hui, alors qu’elles ont toujours une forte capacité de mobilisation, elles se sont contentées de condamner les faits, ne cherchant pas à construire un rapport de force en faveur des populations en élargissant les revendications.

Blaise Compaoré dégage !

24 ans de dictature et d’impunité ! Ça suffit, Blaise Compaoré dégage ! Arrivé au pouvoir par un coup d’État et l’assassinat de Thomas Sankara, Blaise Compaoré s’y maintient et compte bien y rester. Trucage des élections, changement de la constitution, rien ne semble l’arrêter. « Réélu en novembre au terme d’un scrutin contesté, avec seulement 1,5 millions de voix (soit 80% des suffrages exprimés !) dans un pays qui compte 16 millions d’habitants, il entend désormais modifier la constitution pour pouvoir conserver son fauteuil indéfiniment » |2|.
Son fauteuil, il le doit à ses amis de la françafrique qui, depuis quelques années, lui confèrent le statut de vieux sage et de faiseur de paix dans la sous-région, et à ses amis de Washington qui ont félicité le Burkina en le qualifiant de « bon élève du FMI ».
Le bon élève, pour le FMI, c’est celui qui paye ses dettes et qui applique les réformes économiques préconisées par l’institution, sans ce soucier de leurs impacts sur la population. Blaise Compaoré est, il est vrai, de ce point de vue, un élève modèle. En 2009, la dette publique extérieure du Burkina Faso atteint légèrement plus de 2 milliards de dollars |3| contre 832 millions de dollars en 1990. En 2009, le service de la dette s’est élevé à 52,3 millions de dollars.

En vingt ans de service, la politique de Blaise Compaoré a multiplié par deux et demi la dette extérieure publique du pays. Dans le même temps, un véritable programme de démantèlement des services publics a débuté, avec la signature en 1991 du premier plan d’ajustement structurel.

Comme ses confrères d’Afrique du nord, Compaoré a aujourd’hui de quoi s’inquiéter, la jeunesse burkinabée semble déterminée à mettre fin à ce trop long règne. « Le monde est un village planétaire et les échos des luttes contre les régimes dictatoriaux de l’Afrique du nord résonnent dans les consciences des jeunes du Burkina. La contagion des révolutions tunisienne et égyptienne menace le Burkina par la similitude des longs règnes et les pratiques des pouvoirs » |4|.

Notes
|1| http://fr-fr.facebook.com/people/Bl...

|2| http://survie.org/francafrique/burk...

|3| Le Burkina Faso en chiffre, édition 2010, INSD www.insd.bf

|4| http://www.independant.bf/article.p...

lundi 21 mars 2011

Journal burkinabé "Le pays", la chronique du fou du 11 Mars 2011,

















Pauvres plats burkinabè ! Non contents de vous dédaigner au profit des plats venus d’ailleurs, mes compatriotes vous donnent des qualificatifs vraiment indignes. Le célèbre "tô" est si méprisé qu’on arrive même à penser qu’il met "l’Afrique en danger", pendant qu’on estime que les délicieux, nutritifs "kansa", "souma", "benga" et "gonré" (1) ne sont ni plus ni moins que du "béton armé" !

Arrêtons ça ! Il est temps que nous témoignions du respect et de la considération pour nos mets locaux. Ton enfant reste ton enfant, même s’il est aussi bouché qu’un cochon ivre. Et d’ailleurs, nos mets ne sont pas si mal au point d’être si méprisés ! Le "kanzaga" est très délicieux et le "chitoumou" (2) bobolais est très nourrissant.


Ce n’est pas le ministère de la Santé qui dira le contraire, lui qui fait des publications sur les avantages nutritifs de nos mets locaux. Les Ivoiriens apprécient bien le "benga" quand ils nous rendent visite. Parlant d’Ivoiriens, en verrez-vous un seul qui pousserait un juron de dégoût si on lui chuchotait à l’oreille "garba" ou sauce graine ? Ou avez-vous déjà vu un Marocain dire safouroulayi à une assiette de couscous ? Je suis sûr que non ! Remarquez : je n’ai pas besoin d’aller à Rabat ou à Abidjan pour connaître l’existence de ces plats : ils sont au Burkina, sous notre nez ! Mais vous, vos plats-là, est-ce qu’on les connaît au Maroc, au Sénégal ou en Somalie ? Vous voyez sans doute au Burkina des restaurants où c’est écrit "ici, spécialités sénégalaises". Mais est-ce qu’ailleurs, pour ceux qui ont déjà voyagé, rencontrez-vous régulièrement un restaurant spécialisé qui propose du "babenda", du "sagabo" ou tout autre plat burkinabè ? Même s’il y en a, ils ne sont pas nombreux.
















Tout ceci est simplement dû au fait que nous sommes bourrés de complexes quand il s’agit de nos propres plats. Je suis certain qu’ils sont nombreux les Burkinabè qui ont honte de dire qu’ils mangent du "benga" ou du "souma" à midi. Assurément, je verrai difficilement un Burkinabè, recevant la visite de son ami canadien, l’amener dans le restaurant "par terre" de Tantie Bonne Soupe au bord du boulevard Charles de Gaulle pour lui faire goûter ses mets. Ou bien, je ne suis pas certain qu’une personnalité de notre pays accepterait d’avoir du "gonré" sur sa table autour de laquelle sont assis des "môgô puissants".

Si vous n’aimez pas votre nourriture, comment voulez-vous alors la vendre à d’autres peuples ? C’est justement parce que nous avons honte de nos plats que nous ne créons pas de cadres qui pourront les valoriser. C’est vrai qu’il y a des concours, des festivals où nos mets sont mis en valeur. Mais c’est trop circonstanciel et c’est dans des cercles trop restreints. Y a-t-il de grands chefs cuisiniers de restaurants ou d’hôtels burkinabè qui proposent des mets du terroir dans leur menu à leurs clients ? Je ne pense pas que beaucoup de gens y ont songé.

Pourtant, il faut que les maîtres de la cuisine commencent à bichonner, à soigner, à enrichir nos plats afin de les imposer. Il faut continuer le travail déjà abattu dans le domaine des boissons. Aujourd’hui, on sert du "bissap", du "yamacoudji" dans les grands hôtels et les grandes réceptions. Il faut que les intellectuels arrêtent de cracher (pardon) sur nos plats. Il faut qu’ils les valorisent. Pour commencer, aimons ce que nous mangeons. Soyons-en fiers. Ensuite, améliorons le design, la manière de présenter de notre "mangement" et quand un étranger vient ici, faisons-lui goûter à notre "babenda", notre "kansa". Vous n’avez toujours pas compris ? J’ai dit, décomplexons et consommons burkinabè, nom d’un "chitoumou" !
Le Fou

(1) "kansa", "souma", "benga" et "gonré" : respectivement, crêpe faite avec des haricots, poids de terre cuits, haricots bouillis, et gâteau de haricot.
(2) Kanzaga, chitoumou : respectivement, plat à base de feuilles d'oseilles, nom d'une chenille comestible.

Articles extraits du quotidien burkinabè Le pays du vendredi 11 mars 2011 où vous trouverez de nombreux commentaires, souvent pertinents !

En cadeau, la recette du BISSAP :
Le Bissap (origine Wolof)ou carcadé est une boisson à base de fleurs d’hibiscus.
Préparation du bissap
Amener l'eau à ébullition. Ajouter 1 à 2 cuillères à café de fleurs d'hibiscus par tasse. Retirer du feu. Sucrer selon votre goût et laisser infuser 10 minutes environ jusqu'à ce que l'infusion devienne pourpre.
Filtrer avant de servir (ou utiliser une boule à thé).
L'infusion d'hibiscus se déguste chaude ou froide (très rafraichissante).