lundi 10 octobre 2011

Etre PEUL au Burkina Faso















Les bonnes questions du président de SEDELAN
Koudougou, le 9 octobre 2011

ces jours-ci, j'ai pris le temps d'interroger quelques vieux peuls, chefs de familles. J'en ai interroger un au sud de Fara (au sud de la mine d'or de Poura). Je lui ai demandé depuis quand ils étaient arrivés « ici ». Il m'a dit, qu'il ne savait pas exactement, mais que c'était bien avant l'arrivée « des blancs » ! C'est à dire, il y a plus de cent ans.
J'ai demandé s'ils pratiquaient la transhumance. Il m'a répondu : « Oui, depuis 8 à 10 ans. Avant cela, il y avait assez de place pour nos animaux. Et surtout, il y a trop de feux de brousse maintenant ». J'ai demandé comment se passait la transhumance ; notamment si les femmes accompagnaient les troupeaux. Il m'a répondu que seuls « les enfants (les hommes) de 30 à 40 ans partaient en transhumance. » On rassemblaient tous les troupeaux du village, et on choisissait une douzaine d'hommes (donc pas de femmes) pour accompagner le bétail. Une douzaine d'hommes sur une population de 300 à 400 peuls. A peine 4% de leur population. Cette transhumance dure environ 5 mois (vers Batie, et le Ghana) : de fin janvier-début février à fin juin-début juillet.
Ayant appris que les femmes ne partaient pas en transhumance, je me suis inquiété de la nourriture que pouvait mangé les hommes qui accompagnaient le troupeau. Il m'a été répondu qu'ils mangeaient essentiellement du bassi (couscous de petit mil) dilué dans du lait. Parfois des ignames.














Les autres peuls que j'ai interrogés ces jours-ci habitent la région de Founzan (l'un à l'ouest, l'autre au sud). Les deux sont nés dans le village qu'ils habitent aujourd'hui, l'un en 1 935, l'autre en 1 942 ou 1943. Ils sont bel et bien sédentarisés. Davantage que certains mossis, ou même certains fonctionnaires séparés de leur famille par une affectation dans une région éloignée.
Soyons sérieux, les peuls du Burkina sont bel et bien sédentarisés, parfois depuis fort longtemps. Malgré cela, souvent, ils manquent de terre. Ils sont rarement propriétaires du terrain où ils habitent. C'est pourquoi ils n'ont pas le droit d'y planter des arbres.
A vrai dire, on peut penser que le gouverneur connaissait très bien tout cela. Alors, demander aux éleveurs de se sédentariser serait une façon de rendre responsable les peuls des conflits de plus en plus fréquents entre éleveurs et agriculteurs, notamment des conflits fonciers autour des zones pastorales que les agriculteurs voudraient s'approprier. Nous y reviendrons. Il est même probable que l'occupation des terres deviennent un des thèmes majeurs de notre lettre, car rien n'est réglé.
Quand j'entends, ou que je lis, presque chaque jour, que beaucoup de terres agricoles du Burkina ne sont pas exploitées, mais qu'en même temps je vois que les éleveurs traditionnels n'ont plus d'espace disponible pour leurs troupeaux, je me pose des questions.
Quand je lis que la population du Burkina double tous les 25 ans, mais qu'en même temps je vois qu'on offre à des sociétés multinationales des centaines de milliers d'hectares pour y faire pousser du jatropha, j'ai l'impression que l'on pense davantage à l'avenir des pays riches, gros consommateurs de carburant, qu'à l'avenir des burkinabè.
Koudougou, le 9 octobre 2011
Maurice Oudet
Président du SEDELAN