dimanche 24 juillet 2011

quelques nouvelles de la filière coton du Burkina par le président du SEDELAN




Il est temps que je vous donne quelques nouvelles de la filière coton du Burkina. En effet, ceux qui n'ont pas accès à la presse burkinabè peuvent croire que depuis les conflits entre les producteurs de coton et la SOFITEX dont je vous ai parlé dans ma lettre du 8 mai 2011 sont résolus. Or il n'en est rien . Dans plusieurs provinces, non seulement le boycott de la campagne cotonnière est une réalité, mais certains producteurs de coton vont jusqu'à détruire les champs de coton d'autres producteurs.
Comment en est-on arrivé là ?
C'est ce que je voulais comprendre avant de vous en parler. Mais, commençons par rappeler quelques faits. Le 9 mai, l’Association interprofessionnelle du coton du Burkina (AICB) confirmait les prix d'achat du coton pour la prochaine campagne. Seule une réduction de 1 000 F par sac de 50 kg d'engrais était accordée. Le 12 mai on pouvait lire dans la presse nationale une copie du document témoignant de cette dernière décision. Cette copie, comme il se doit, est signée du président de l'AICB, qui n'est autre que le président de l'Union Nationale des Producteurs de Coton du Burkina. Et le lendemain, ce dernier, donc le Président de l'UNPCB, signait un article fustigeant les producteurs de coton partisan du boycott. Cet article est paru dans le N° 6923 du quotidien burkinabè Sidwaya.
Il faudra bien un jour que l'on se demande si l'UNPCB est bien dans son rôle (et donc se demander également : quel devrait être son rôle) quand elle signe comme président d'une structure interprofessionnelle, le prix d'achat du coton ? Quand elle n'est pas suivi par sa base, ne devrait-elle pas s'abstenir ?
Toujours est-il, qu'à partir de là, le dialogue a semblé rompu, et que de nombreux producteurs de coton n'ont pas apprécié ces décisions. Dans plusieurs provinces des réunions de producteurs se sont tenues au cours des quelles la décision a été prise de ne pas faire de coton cette année. Par la suite, selon ce qu'il m'a été rapporté, certains producteurs qui avaient adhérer à la décision commune, ont fait marche arrière, et ont semé du coton. C'est alors que dans plusieurs localités du pays, les plus décidés ont réagi à cette volte-face et ont été jusqu'à détruire ces semis de coton.









Il est aisé de comprendre que cela n'a pas été apprécié par le gouvernement. Mais fallait-il utiliser la force ? En tout cas, c'est ce qui a été fait dans le Kénédougou (sud-ouest du Burkina). En témoigne l'article ci-dessous paru dans le quotidien Sidwaya du vendredi 15 juillet 2011.
« Autorisés à intervenir dans la province du Kénédougou, sur réquisition spéciale, pour protéger les personnes qui ont décidé de produire du coton, des éléments de la police et de la gendarmerie ont dû affronter, le lundi 11 juillet 2011 à Deina, village situé dans la commune rurale de N’Dorola, des paysans qui ont détruit une centaine d’hectares de champs de coton.
Au regard de la situation qui prévaut actuellement dans le Nord du Kénédougou, le gouvernement a été obligé de prendre ses responsabilités. En effet, depuis quelque temps, des producteurs mécontents, empêchent d’autres de s’investir dans la culture du coton. Le 4 juillet dernier par exemple, 52 hectares de champs de coton avaient été saccagés à Zanfara, par des paysans du département de Morolaba. Ces champs appartiennent à des producteurs de Kodona ayant leurs exploitations agricoles à Zanfara, dans le département de Morolaba. Depuis, la tension est vive dans cette partie de la province.
Selon nos sources, les autorités ont décidé de prendre des mesures énergétiques pour mettre fin à ces actes de vandalisme. C’est ainsi qu’un premier contingent de forces de défense et de sécurité, fort de 60 éléments, a été dépêché sur les lieux, dans la nuit de samedi 9 à dimanche 10 juillet 2011. Ensuite, s’en est suivi un autre, composé de 45 éléments, le lundi. Aussitôt, ces forces de l’ordre ont mis la main sur quelques meneurs. Une situation qui a amené les autres producteurs « rebelles » à prendre d’assaut la brigade territoriale de la gendarmerie de N’Dorola pour exiger la libération de leurs camarades. Face au refus des forces de l’ordre d’obtempérer, ces derniers sont repartis dans le village de Deina, non loin de Bangasso, où ils ont détruit plus de 100 hectares de coton.
C’est ainsi que les forces de défense et de sécurité ont intervenu. Et cela a créé un affrontement entre les deux parties. Le bilan fait état de 2 véhicules détruits au niveau des forces de l’ordre et 3 gendarmes légèrement blessés. Aucune perte en vie humaine n’a été constatée. Du côté des paysans, il y aurait également quelques blessés, mais on ignore leur nombre. Pour l’heure, le calme est revenu dans la zone et les forces de l’ordre continuent leur patrouille pour mettre la main sur tous les meneurs. Selon toujours nos sources, certains producteurs « rebelles », de peur de ne pas se faire arrêter, ont fui leurs villages pour des destinations inconnues. Dans ces villages, on ne trouve désormais que des femmes. Quant aux paysans arrêtés, ils auraient été transférés à Bobo-Dioulasso. »
Signé : Apollinaire KAM
De nombreux commentaires ont été publiés sur le site web du quotidien Sidwaya. Je ne veux pas prolonger la polémique qu'ils manifestent. Je conclurai, comme annoncé, par cette question : le rôle de l'UNPCB est-il un rôle syndical qui pourrait aller jusqu'à conseiller de ne pas faire de coton (si pour différentes raisons les producteurs n'y trouvaient pas leur intérêt) ou est-il de défendre la filière coton quoi qu'il en coûte aux producteurs (défendant ainsi les intérêts de l'Etat et des sociétés cotonnières) ?

Koudougou, le 18 juillet 2011
Maurice Oudet
Président du SEDELAN

samedi 16 juillet 2011

De l'habitat troglodyte au tourisme solidaire



Quand des paysans se font hôteliers : le campement de Niansogoni.
Le week-end dernier, avec un ami et un petit-neveu, je me suis offert un peu de tourisme. Nous avons été dans le sud-ouest du pays, visitant les cascades de Banfora et les rochers de Sindou. De là, nous avons rejoint le village de Niansogoni, et son campement. Le site est remarquable. Le campement également.


Le village de Niansogoni, est un village « Wara ». Les Waras forment un sous-groupe de l'ethnie sénoufo qui compte environ 1 500 000 individus, répartis en plus de 30 sous-groupes. Le pays sénoufo, lui, s'étend sur 3 États : le Mali, la Côte d'Ivoire et le Burkina Faso.
Niansogoni en sénoufo signifie « entre les collines ». Le nom Wara du village «kwomu» («10 familles») rappelle les dix familles qui créèrent le village. Il n'y a pas si longtemps, les Waras vivaient dans la falaise, dans les rochers. Les derniers habitants de Niansogoni à abandonner le site et à s'installer dans la plaine le firent en 1980. Ceci explique le bon état général de ces habitats troglodytes et la présence de vestiges qui nous permettent d'imaginer ce fut la vie quotidienne des habitants : jarres, greniers de forme ogivale superbement décorés, divers ustensiles et outillages (lames de houe, marmites, des cors en fer, etc.).



L’accès au site et aux ruines troglodytes demande trois quarts d'heure d'ascension. Des guides, fils du village, dont les parents habitaient ces ruines, se feront un plaisir de vous accompagner.






Il me faut également parler du campement. Ce n'est évidemment pas la première fois que je suis hébergé par des paysans. Quand j'étais en paroisse à Kiembara au pays samo, au nord-ouest du Burkina, je passais la moitié de mes nuits dans les villages, accueilli par des familles de paysans. Quand j'apprenais le samo, puis le samoma (deux langues qui ne sont pas de la même famille), j'ai passé des mois dans les villages, logeant chez des paysans. Mais avec le campement de Niansogoni, c'est la première fois que je logeais dans une structure hôtelière gérée directement par les paysans du village. Et j'ai bien apprécié, comme mes compagnons. Je ne parle pas seulement des commodités : une case ronde pour chacun (avec douche à l’extérieur), un lit avec moustiquaire et des draps propres, un repas tout à fait correct, avec une bière bien frappée (grâce à un frigo solaire), un petit-déjeuner avec du pain et de la confiture de mangues... et tout cela pour 10 euros environ par personne.
Mais ce que j'ai apprécié le plus, c'est que les touristes n'ont pas abîmé le village (ils ne l'ont pas gâté !, comme on dit ici). Aucun enfant ne nous a approchés pour demander un cadeau ou un bic, ou encore des bonbons, comme c'est trop souvent le cas dans les lieux touristiques. J'ai cherché à comprendre comment cela était possible ?
Je me suis tourné vers Richard. C'est lui qui est à l'origine du campement : « C'est en 2002 que nous avons eu l'idée de construire un campement pour accueillir les touristes qui devenaient de plus en plus nombreux, surtout en janvier et février. Dès le début, nous avons voulu que ce soit l'affaire de tout le village. C'est pour cela que nous avons créé une association de solidarité pour le développement de Niansogoni. Nos vieux y participent. Aucune décision importante n'est prise sans leur accord. C'est ainsi qu'en 2002, nous avons construit les 4 premières cases, et les douches et les latrines. »


Je lui dis que je suis étonné, mais heureux, de constater qu'aucun enfant n'est venu demander un cadeau ou des bonbons. Il me répond : « Dès le début et jusqu'à aujourd'hui, nous expliquons aux touristes qu'en donnant des cadeaux aux enfants, ils vont les « gâter ». J'ai visité le pays dogon, et je ne veux pas que les touristes transforment nos enfants en mendiants. Je leur dis parfois : Pourquoi, parce que vous êtes plus riches que moi, allez-vous donner à mes propres enfants plus que ce que je peux leur donner moi-même. Il y a des villages où les touristes ont tellement pourri les enfants, que certains ne vont plus à l'école ! C'est aussi pour cela que nous avons créé notre association. Si vous voulez aider nos enfants, faites vos dons à notre association, nous pourrons leur offrir leurs fournitures scolaires. Les touristes comprennent ce langage. Certains ont même été jusqu'à créer une association dans leur propre pays pour soutenir notre village à travers notre association. Grâce à eux, notre école a maintenant 6 classes, au lieu des trois précédemment. »
Aujourd'hui, plusieurs jeunes ont reçu une formation de guide et d'accompagnateur. En lien avec des agences de tourisme présentes au Burkina, ils peuvent accompagner des groupes de 4 à 9 touristes pour des randonnées à pied d'une ou deux semaines.
Nous avons là une initiative paysanne qui, me semble-t-il, mérite d'être connue.

Koudougou, le 9 juillet 2011
Maurice Oudet
Président du SEDELAN

mardi 5 juillet 2011

«Y'en a marre», Sénégal







Après une décennie de mouvements isolés, les Sénégalais se sont très largement mobilisés le jeudi 23 juin pour contraindre Wade à abandonner son projet. Des milliers de personnes, essentiellement des jeunes, ont fait bloc pour exprimer leur colère et leur écœurement face à un système politique corrompu et verrouillé. Dans les rues de Dakar, les manifestants scandaient «Y'en a marre». «Y'en a marre», comme le nom du collectif qui avait appelé à ces rassemblements.

Les coupures régulières d'électricité paralysent le pays depuis plusieurs années et sont l'une des revendications majeures des mouvements citoyens. «Globalement, ils ont l'électricité une heure sur deux parce que la compagnie nationale (la Sénélec) produit le courant au fioul, expliquent les trois anthropologues. L'argent destiné à acheter le fioul n'est visiblement pas allé où il fallait, alors que le ministre de l'énergie est Karim Wade, le fils du président. Comme les fournisseurs de fioul ne veulent plus faire crédit, beaucoup de centrales ne fonctionnent pas.»





Cette situation cristallise bon nombre des colères : «Quand il y a des émeutes, les sièges de la Sénélec sont pris d'assaut et détruits. Le 23 juin, le mouvement concernait la question constitutionnelle, mais au passage, quelques sièges de la Sénélec ont été saccagés.»




Aux problèmes désormais «classiques» des inondations et des coupures d'électricité vient aujourd'hui s'ajouter celui des expulsions, liées à la construction d'une autoroute à péage reliant Dakar à Diamniadio. «Dans un pays où le PIB par habitant est inférieur à celui de l'Inde, on se demande qui va payer ce péage...», remarquent les anthropologues.

«C'est Bouygues et l'entreprise Apix (Agence nationale chargée de la promotion de l'investissement et des grands travaux) qui sont derrière le projet. Des gens vont gagner de l'argent là-dessus et l'État, comme toujours, va les y aider.» Qu'importe si pour cela des milliers de Sénégalais sont mis à la rue.

Source : http://www.mediapart.fr/journal/international/020711/senegal-les-yen-marre-font-trembler-le-regime-wade?page_article=4

dimanche 3 juillet 2011

Les fonds de pension : des acteurs clés dans l'accaparement mondial des terres agricoles

Les acquisitions de terres agricoles à grande échelle provoquent conflits et controverses dans le monde entier. Et pourtant, les fonds continuent à déferler sur les terres agricoles à l'étranger, comme attirés par un aimant. Une situation qui s'explique par les rendements qu'on peut attendre de ces investissements. Et parmi ceux qui recherchent les bénéfices dans la terre agricole, certains des principaux acteurs sont des fonds de pension, qui investissent des milliards de dollars dans ce secteur.
Les fonds de pension brassent aujourd'hui 23 000 milliards de dollars US d'actifs, dont 100 milliards de dollars sont apparemment investis dans les produits de base. Sur cet argent investi dans les produits de base, entre 5 et 15 milliards de dollars serviraient à acquérir des terres agricoles. D'ici 2015, ces investissements dans les matières premières et les terres arables sont censés doubler.
Un nouveau rapport de GRAIN explore le rôle des fonds de pension dans l'accaparement mondial des terres. Selon les experts, ces fonds sont les plus gros investisseurs institutionnels de terres agricoles à l'étranger. Et pourtant, ces investissements utilisent les économies des gens pour leur retraite. Les fonds de pension sont donc peut-être l'une des rares catégories d'accapareurs de terres auxquelles les gens peuvent couper l'herbe sous le pied, pour la bonne et simple raison que c'est de leur argent qu'il s'agit.
Pour lire ce nouveau numéro d'À contrecourant, c'est ici : http://www.grain.org/articles/?id=81

news@grain.org