jeudi 11 juin 2009

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Amara, la trentaine souriante, m’accueille dans sa famille, on ne se connaissait pas, on a appris à s'apprécier ; j'ai séjourné dix jours dans sa famille, avec lui j'ouvre les yeux sur les évolutions que vit le Burkina. Très vite, on aborde le problème du développement du village et du travail des paysans ; il me parle du problème d’accès à la terre et me cite un exemple d’achat de 50 hectares de terre, près de Banfora, par un investisseur burkinabé qui veut cultiver le maïs de façon intensive…
Le problème de l’accès à la terre devient en effet préoccupant. Selon la loi sur la réforme agraire, mise en place en 1984, la terre appartient à l’Etat ; avant cette loi, tant que les terres étaient abondantes, le droit coutumier répondait aux besoins ; ce sont les chefs coutumiers qui règlaient le droit d’usage, droit qui leur a été transmis par leurs ancêtres. Ainsi, il y a 10 ans, Amara a eu l’autorisation d’exploiter personnellement un terrain pour planter des arbres fruitiers, il a un hectare qu’il partage avec un associé m’a-t-il dit ; les arbres commencent à produire, notamment l’anacardier, plus connu sous le nom de noix de Cajou, le ronier, arbre qu’on utilise beaucoup, le manguier, le néré dont les graines sont transformées pour faire un jus...



Mais aujourd’hui, avec 15 millions d’habitants, la terre devient rare et les usages changent, les conflits fonciers sont courants et les agriculteurs risquent de plus en plus souvent d’être dépossédés de leur terre…il leur faut aller chercher des terres de plus en plus loin du village, ce qui les éloignent aussi de la ressource en eau car ils n’ont pas les moyens de construire des puits ; certains agriculteurs se voient même reprendre la terre qui leur avait été « donnée » par un chef de famille et ce, au moment de sa mort quand les enfants veulent étendre leur part…
Le gouvernement cherche à encourager les investissements dans le secteur rural et privilégie ceux qui ont les moyens d’investir, c'est le cas d'un docteur qui a acheté environ 100 hectares à Prat près de la ferme expérimentale de l’AIDMR, (Association Interzones de développement en milieu rural) que j’ai visitée ou encore un militaire retraité qui se lance dans l’élevage de petit bétail à Tiébélé et qui a pu acheter de la terre…ainsi les fonctionnaires et les hommes politiques sont les premiers servis (je reviendrai plus tard sur ces situations).
Les communes rurales ont une place centrale dans la mise en œuvre de la politique agraire nationale qui évolue vers une meilleure répartition des terres entre les différents acteurs mais qui connaît ces lois ou ces projets de loi ?...Un avant-projet de loi porte sur la sécurisation foncière en milieu rural que les députés doivent voter avant la fin de l’année 2009. Cette loi donnera-t-elle des limites au droit des investisseurs privés à s’emparer des terres ? On sait qu’actuellement des terres ont été achetées par des pays étrangers pour assurer leur autonomie d’approvisionnement, comment protéger la paysannerie pauvre de ces accaparements ?









Au début du mois de juin 2009, l’IIED a publié le rapport “Land grab or development opportunity ?” commandé par la FAO et le FIDA. Cette étude essaye de faire le point sur l’évolution des achats de terres en Afrique subsaharienne par des investisseurs étrangers. Les données sont extrêmement difficiles à recueillir et à croiser, mais un premier bilan est dressé ; le rapport donne des avis de prudence, il faut savoir qui décide sur ces questions, quels sont les opportunités positives que peuvent développer ces accords internationaux, comment les coûts et les bénéfices sont partagés…
Pourtant les questions amènent déjà des réponses , les bonnes terres étant déjà utilisés, la pression risque d’engendrer des conflits d’usage, les opportunités peuvent concerner des investissements pour des produits agricoles non alimentaires (bioéthanol par ex.), les gouvernements qui allouent les baux seront soumis à des pressions politico-financières…
Autre question, qui va assurer le respect des engagements contractuels et qui va protéger les droits locaux ? et encore, comment décourager les investissements purement spéculatifs ? Dit plus brutalement, les investisseurs internationaux jettent leur dévolu sur les terres agricoles les meilleures et les mieux irriguées. Elles constituent pourtant le moyen de subsistance des populations locales, mais les gouvernements s’en préoccupent peu…
Sources : http://www.fondationfarm.org/IMG/pdf/terres_notelecture.pdf Et http://farmlandgrab.org/

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