jeudi 11 juin 2009

p.12)
Jeudi, je fais la connaissance de Bougma, un jeune sociologue plein d'énergie, de générosité, d'intelligence et d'expériences. Il était directeur d'école et il a démissionné pour s'occuper des enfants de la rue...Il est co-fondateur de l'association "Etincelle" créé en 2005 avec Cécile Laberdesque.
Dans leur site ( http://www.etincelle.burkina.free.fr/), on peut lire "qu'un recensement de 2002 compte 2146 enfants identifiés vivant dans les rues à Ouagadougou, soit 8% de la population de moins de 21 ans. Ils sont près de 4000 en 2009 ! La vie dans la rue représente une multitude de risques : malnutrition, problèmes de santé, violence, délinquance, toxicomanie, agressions morales, physiques et sexuelles. La rue prive l’enfant de la possibilité d’apprendre, de se sentir épanoui et donc de se construire".
"L’Association a été fondée suite à la rencontre et au partenariat établi entre Cécile Laberdesque, assistante sociale paloise, partie en mission dans un centre d’accueil pour les enfants des rues et Bougma Issaka, sociologue et enseignant burkinabé, s’investissant depuis plusieurs années auprès des enfants en difficulté. Partageant les mêmes valeurs, et ne pouvant fermer les yeux face à la détresse de ces enfants, ils ont associé leurs expériences respectives afin d’établir un projet pour aider prioritairement des petites filles et adolescentes vivant dans les rues à Ouagadougou et pour lesquelles il n’existait aucune structure d’accueil".
Cécile est le moteur d'Etincelle à Billère (64) accompagnée par des bénévoles qui, à travers des manifestations, collectent des fonds pour financer les actions à Ouagadougou et développer les relations entre la France et le Burkina Faso.

J'ai rencontré Bougma chez Djibril, vers 15 h, en pleine chaleur ; Bougma est très pris par ses engagements, entre la construction d'un dortoir, le lancement de la ferme pédagogique, le suivi des ateliers (mécanique et restauration locale), le suivi des micro-crédits au bénéfice des femmes et la visite au Centre d'accueil.
L'association n'est pas une ONG de plus qui fait de l'assistanat, insiste-t-il ! les ateliers et la ferme doivent marcher comme un vrai commerce, on vise l'autonomie financière...Nous travaillons pour donner aux enfants une chance de développement et pour qu'ils puissent participer au développement du pays :
"On voit se créer une sous classe mal formée professionnellement, mal éduquée, qui ne peut pas participer à l’effort de développement. Dans ces conditions, il est inutile de parler de progrès économique et social ni même de développement humain durable. L’enfance est une période critique pour l’enfant et en même temps une occasion unique pour lui de se développer normalement. Il faut la protéger et pour cela prendre un engagement qui ne sera jamais enterré sous d’autres priorités. Il y aura toujours quelque chose de plus pressant, il n’y aura jamais rien de plus important".(extrait du site)

L'objectif de Bougma, de son équipe de permanents et des bénévoles, c'est de construire un avenir aux enfants. Ainsi, 31 enfants sont scolarisés en 2009 ; il faudrait faire plus me dit-il, l’association compte aujourd’hui plus de 245 enfants enregistrés et qui se présentent régulièrement au siège d'en l’espoir de trouver de l’aide ; mais une partie des fonds sont consacrés actuellement à la construction des logements pour pouvoir définitivement sortir de la rue les fillettes. L'association dépense 2000 euros par an pour les soins de santé aux enfants et va recruter un éducateur spécialisé ; actuellement l'équipe est composée de 4 permanents formés et de bénévoles.
Il faut que la main qui reçoit ne soit pas toujours en bas, il faut que les mains se rejoignent au même niveau, me dit Issaka ; belle image... Le mémoire qu'a rédigé Bougma pour sa maîtrise de sociologie portait sur les modes de socialisation dans la société à Ouaga, dans la famille, le travail, le marché, selon l'âge, le quartier habité...
Il me donne son analyse des causes du phénomènes des enfants de la rue :
- première cause, les enfants sont "enrôlés" par les maîtres coraniques et sont donc hors de leur famille. L'école coranique en fait des mendiants professionnels, ils doivent apporter chaque jour 200 à 400 francs CFA...Les enfants qui quittent l'école coranique se retrouvent dans la rue.
- deuxième cause, les conflits familiaux et sociaux (par exemple les adultes rejetés de la famille, accusés d'empoisonnement, les femmes et les enfants se retrouvent à la rue) ; l'association suit 20 femmes avec enfants qui vivent de la mendicité ; elles refusent d'envoyer les enfants à l'école car ils rapportent de l'argent en apitoyant les passants...
- troisième cause, l'urbanisation, la ville excerce un pouvoir d'attraction-fascination, les enfants quittent la campagne pour chercher une meilleure vie à la ville...
Bougma est en relation avec d'autres associations, notamment "Les amis de Sabou" qui a son siège à Salies de Béarn et l'association Emmaüs de Lescar.
Mais c'est avec l'association Wa-Iba de Billère que le partenariat s'étend ; wa-iba est une association de solidarité internationale qui fait partie du RADSI, réseau aquitain de développement de la solidarité internationale. Wa-Iba apporte son soutien à des projets autonomes, comme le projet d'"Etincelle". Elle a financé une partie des micro-crédits distribués aux femmes en difficultés ; 30 personnes sont actuellement en cours de remboursement. Le suivi de ces créations mobilisent beaucoup de temps et de compétences et il faudrait pouvoir augmenter l'accompagnement, mais les fonds manquent...
L'association Etincelle a mis en place aussi un dispositif de parrainage pour la scolarisation des fillettes. Chaque famille peut suivre le "cursus" de l'enfant qu'il aide. La construction du dortoir qui pourra accueillir plus d'une vingtaine d'enfants, est presque terminée mais il manque encore l'équipement (lit, couverture...), quant à la ferme pédagogique elle accueillera les premiers enfants dès la rentrée.

Cette rencontre avec Bougma m'a bouleversée, tant de courage et de détermination chez cet homme de 32 ans ! En France, ce genre de travail est accompagné par des professionnels extérieurs qui permettent aux éducateurs de se "décharger" des tensoins et des conflits qu'ils vivent ; mais l'association ne peut lui offrir cet appui. A suivre...

Les enfants de la rue est un phénomène social qui existe dans d'autres pays d'Afrique de l'Ouest ; l'association "Médecins du Monde" travaille avec les enfants de la rue à Kinshasa, capitale de la République du Congo, ex-Zaïre : "Avec ses 8 millions d’habitants, Kinshasa est devenue la plus grande ville d’Afrique sub-saharienne francophone. Plus de la moitié des kinois ont moins de 15 ans et on compte 13 877 enfants vivant dans les rues de Kinshasa. Près de 70% ont entre 12 et 18 ans. 26 à 48% sont des filles". Extrait d'une page de leur site :
http://www.medecinsdumonde.org/index.php/fr/thematiques/agir_face_aux_violences_faites_aux_femmes


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